E-commerce : les Secrets de la Réussite
Publié par Retailleau Fabrice Copywriter le 07 mars 2006 à 16:51.Sources : Le Nouvel Observateur
Près de 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires !
Des prix bas, un choix plus vaste que dans n'importe quelle boutique et des paiements sécurisés, près de 14 millions de Français ont pris l'habitude de faire leur shopping sur internet. Visite des coulisses des 10 boutiques virtuelles les plus fréquentées
Vous cherchez un escalier à vis ? Une voiture d'occasion ? Un disque rare ? Un chapeau pour chien ? Allez voir sur internet ! Le chiffre d'affaires des ventes sur le web français en 2005 est estimé à plus de 8,7 milliards d'euros, en croissance annuelle de 53%, selon la profession (1). L'explosion du cybercommerce est facilitée par la popularité croissante d'internet : plus de la moitié des Français sont maintenant connectés, dont la grosse majorité en haut débit. Mais, surtout, les freins à l'achat ont sauté, avec des paiements sécurisés (2). Un internaute sur deux a déjà acheté quelque chose sur le web. Si bien qu'au total 13,4 millions de Français - un quart de la population adulte - ont consommé sur internet au 4e trimestre 2005 ! Il faut dire que l'offre de produits et de services en ligne s'est considérablement étoffée : le web français compte désormais 10 900 sites marchands. Et 96,3% des cyberacheteurs se disent satisfaits de leurs achats de Noël... Hors services financiers, les best-sellers du Net sont toujours les loisirs (voyages, biens culturels) et la high-tech (informatique, électronique grand public). Mais vêtements et cosmétiques progressent.
Si la France ne se classe qu'au 3e rang européen - derrière l'Allemagne et la Grande-Bretagne - pour le nombre de cyberacheteurs, une poignée de marchands hexagonaux tiennent cependant tête aux titans américains. Visite des dix e-marchands les plus courus du Net français.
Purement virtuel
Les boutiques les plus fascinantes sont celles qui n'auraient jamais existé sans le Net. Surprise : dans cette catégorie, un nouveau venu s'est hissé à la dixième place du hit-parade de l'audience. C'est vente-privée.com, qui déstocke les invendus des grandes marques. Concrètement, on y achète des stylos Parker, des soutiens-gorge La Perla ou des jeans Diesel très bon marché (de -30% à -70%).
Vente-privée ? Si vous ne connaissez pas encore ce site, c'est parce que son nom s'échange entre amis, comme un bon tuyau. Ses quelque 2 millions de membres ont été recrutés exclusivement par parrainage ou marketing viral. «Nous n'avons jamais communiqué. Parce qu'il est plus important pour nous de protéger notre concept, unique au monde, que d'accroître notre clientèle», dit son fondateur et PDG Jacques-Antoine Granjon. «Nous travaillons déjà avec 150 marques, et notre calendrier de ventes est plein jusqu'à Noël», explique Granjon. L'univers des marques, il connaît : en 1985, Granjon crée avec des associés le groupe Oredis, un grossiste en fins de série, qui revend aux Mistigriffe et autres Foirfouille. Sa petite filiale internet, imaginée sur un coin de table en 2001, est en moins de cinq ans devenue la locomotive du groupe. Aujourd'hui, la start-up emploie plus de 250 personnes, et double tous les ans son chiffre d'affaires.
L'autre phénomène spécifique au web est l'explosion du commerce entre particuliers, qui progresse deux fois plus vite que l'e-commerce ! Ils sont désormais près de 7 millions, de tout âge, sexe et milieu social, à acheter et vendre en ligne leurs vieux livres, les jeux vidéo dont ils sont lassés, ou leurs meubles... Sur ce créneau très convoité, on assiste au duel entre Goliath-eBay - la filiale du titan américain, qui propose 78 millions d'objets dans le monde - et David-PriceMinister, une start-up française créée en 2001 par Pierre Kosciusko-Morizet, alors âgé de 23 ans...
Au départ, eBay (qui a racheté le français iBazar) proposait surtout des objets uniques aux enchères, tandis que PriceMinister était un vide-grenier à prix fixes pour produits culturels. Aujourd'hui, leurs modèles convergent : eBay réalise un tiers de ses ventes à prix fixes, tandis que PriceMinister propose toutes les catégories d'objets, y compris 45 000 voitures d'occasion ! Et nombre de commerçants professionnels se sont ralliés à ces plates-formes, devenues incontournables. «15240 personnes en France vivent totalement ou partiellement de leurs ventes générées sur eBay», dit son directeur général Grégory Boutté. «30% de nos transactions sont désormais le fait de pros», raconte Kosciusko-Morizet.
Seule différence : PriceMinister garantit le paiement, qui transite par lui. Alors qu'eBay se contente de mettre en relation vendeurs et acheteurs. Dans les deux cas, la moralité du système découle de la notation - stricte - des vendeurs par les acheteurs : les arnaqueurs ne survivent pas à la surveillance de la communauté !
Boutique et clic
«Nous sommes le site français de commerce qui a l'audience la plus importante», se réjouit Frank Leprou, le directeur de fnac.com. La chaîne a réussi son entrée dans le monde virtuel, ce qui n'était pas une évidence. «Le point clé, c'est de nous être lancés dès la fin 1999, avant l'arrivée du géant américain Amazon.» François-Henri Pinault, qui dirigeait alors le site, a frappé fort : «Fnac.com est devenu notre emblème sur tous les sacs, et on n'a pas eu peur d'écrire dans les magasins «Allez sur fnac.com»», explique Leprou. Depuis, la Fnac a développé une stratégie originale : magasins et sites s'épaulent mutuellement. «Les clients qui achètent sur le site peuvent profiter du réseau de service après-vente de nos magasins, ou y rapporter un objet qu'ils n'aiment pas. On peut aussi réserver sur le site et venir retirer en boutique. Et bientôt on commandera par internet dans les petites Fnac, qui n'ont pas le produit recherché en stock», dit Leprou.
La Redoute a, elle aussi, réussi sa mue virtuelle, puisque la société faisait en décembre dernier 40% de ses ventes via le Net, et qu'elle dépassera les 50% fin 2006. Mieux : les clients en ligne achètent davantage que les adeptes du cata-logue. «Nous avons profité de la démocratisation du Net. Il s'est féminisé, nos clientes ont suivi : habits et chaussures se vendent de mieux en mieux en ligne», explique Thierry Falque-Pierrotin, le président de Redcats, le pôle vente à distance de PPR (qui détient aussi la Fnac). Il souligne l'effet de groupe dans la réussite : «Nous avons profité des conseils des marques de Redcats implantées dans les pays plus en avance, comme les Etats-Unis ou la Scandinavie.» Parmi ces règles d'or : pour bien vendre sur internet... il faut surtout continuer à envoyer le catalogue papier aux clients. Sinon les commandes chutent ! Dommage pour l'entreprise, qui se prive par là d'une économie substantielle.
A la SNCF, Mathias Emmerich, le directeur général de voyages-sncf.com, savoure la transformation de la vieille entreprise : un billet de train sur cinq est désormais vendu sur le Net. Et, d'ici à la fin de l'année, ce sera entre 25 et 30% des billets qui seront concernés, soit un objectif de 1,3 milliard d'euros de ventes. Depuis le départ, c'est un sans-faute : puissante sur le Minitel, la SNCF s'est adaptée à l'internet en élargissant son offre via un partenariat, en 2001, avec l'américain Expedia. Résultat ? Ses clients sont fidélisés, et en plus ils peuvent louer leur voiture, réserver leur hôtel ou leur trajet en avion sur le site, qui réalise 15% de son activité en dehors du train.
Cette confiance n'est pas tombée du ciel. La SNCF a créé des produits spécialement pour internet, et pour ceux qui se décident au dernier moment. «Nous avons réalisé 25 millions d'euros de ventes l'an dernier grâce à ces promotions, qui permettent de remplir les trains», explique Mathias Emmerich. Il estime que les 250 millions d'euros de chiffre d'affaires supplémentaire engrangés cette année par la SNCF sont imputables aux nouvelles méthodes commerciales.
Les nouveaux hypers
Dans le monde de la grande distribution, le Net n'a pas encore dicté sa loi au rayon alimentation. Par contre, les biens culturels et électroniques et autres objets de grande consommation font l'unanimité, parce qu'ils sont les plus adaptés à la cible des internautes urbains.
Du coup, une demi-douzaine de sites se pressent sur ce créneau de l'e-hyper. Le leader - avec environ 400 millions d'euros de ventes annuelles - c'est le bazar virtuel Cdiscount. Cette entreprise bordelaise, créée par les discrets frères Charle, est à présent une filiale de Casino. Son credo ? Vendre moins cher. La société est devenue le plus gros vendeur de DVD du pays, achetant même des droits de films, et les éditant elle-même pour maîtriser ses prix. Elle vend aussi téléviseurs, informatique, textile... Mais attention aux effets pervers du low-cost ! Le service après-vente, minimal, est injoignable. Pis : en cas de problème de stocks, la société tente de vous donner un simple avoir, plutôt que de rembourser. «Leurs pratiques font mal aux autres cybercommerçants», se plaint un confrère... Oui, mais leurs prix vous font irrésistiblement revenir !
Son challenger le plus ressemblant est Rue du Commerce, qui tente de concilier le meilleur des deux mondes : il vend nettement moins cher qu'un magasin traditionnel (-15% à -20% en moyenne), mais sans casser les prix. Ce qui lui permet d'avoir un service de bon niveau (assistance téléphonique, débit à réception des commandes uniquement...) «Le premier devoir d'un commerçant, c'est de créer la confiance », explique le fondateur Gauthier Picquart. Il pèse désormais 230 millions d'euros de ventes (et 4 millions de profit opérationnel). Et il a conquis la place de premier vendeur de high-tech sur le Net : «Et ce n'est qu'un début, dit Gauthier Picart. Car 8% des ventes totales de high-tech en France se sont faites en ligne en 2005, alors qu'aux Etats-Unis c'est déjà 20%.»
Enfin, partis des produits culturels mais étendant rapidement leur offre, deux sites plus populaires encore sont présents : Amazon et Alapage. La filiale du géant américain, 5e en France par son audience, est sans doute le premier libraire sur le Net, avec 1 million de références en français. Et elle déploie une stratégie agressive, en offrant les frais de port sur tous ses livres neufs ! «N'ayant pas de magasins, on a une structure de coûts fixes moins élevée, qui nous permet de baisser les prix», explique son directeur général Xavier Garambois. Quant à Alapage, originaire du Minitel, il affiche dix-sept ans d'expérience. Filiale de France Télécom depuis 1999, le site profite du trafic généré par le portail Wanadoo. «Notre ambition est de proposer l'offre culture-loisirs la plus riche du Net», dit son responsable Christophe Lasserre. D'où une diversification avec une billetterie de spectacles et une rubrique Art de vivre.
Que de choix ! Le seul problème, pour l'acheteur en ligne, reste peut-être finalement de... faire la queue à la poste pour retirer ses achats quand ils n'entrent pas dans sa boîte aux lettres. Vu l'explosion de son trafic Colissimo, La Poste réfléchit d'ailleurs à la mise en place de points de retrait dédiés au commerce électronique.
(1) Disponibles auprès de l'Association pour le Commerce et les Services en Ligne (www.acsel.asso.fr) et la Fédération des Entreprises de Vente à Distance (www.fevad.com).
(2) En cas d'achat frauduleux avec votre numéro de carte Bleue, vous êtes remboursé par votre banque.
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